«Peau à Peau» : le témoignage bouleversant d’Héloïse sur la naissance de sa fille, née grande prématurée

Pourquoi je vous en parle ici : Voici un chemin de maternité dont on parle peu : la prématurité. Pourtant, 60.000 familles sont touchées chaque année en France par une naissance qui arrive trop tôt et vivent un véritable tsunami. Entre immense tristesse, douleurs, espoir et doutes, elles avancent pour la plupart au jour le jour, sans y avoir été préparées car c’est un sujet qu’on aborde pas ou trop rarement pendant la grossesse. C’est ce voile qu’Héloïse de Monstiers, ancienne journaliste et entrepreneure dans le digital, a voulu lever en narrant sa propre histoire, dans Peau à peau (Editions Buchet Chastel), un roman poignant qui raconte la naissance son premier enfant, trois mois avant le terme. Avec une grande sincérité, elle nous embarque aux côtés de son couple, dans leurs moments de peine, de désarroi, mais aussi d’espoirs et nous entraîne dans le quotidien très médicalisé de parents d’enfants prématurés. Un roman haletant et nécessaire pour que chacun sache – au cas où – que ce chemin existe et pour rappeler aussi que nous avons d’extraordinaires personnels soignants en France. Avant que vous ne le lisiez, j’ai interviewé pour vous l’auteure. Bonne lecture 🙂

Vous avez écrit ce livre 10 ans après la naissance prématurée de votre fille, Garance, pour quelles raisons ?

Héloïse DES MONSTIERS – Les naissances prématurées concernent environ une naissance sur 10 en France. En général, une fois que le risque vital est écarté, on a tendance à laisser cette expérience derrière nous et à enfouir toutes nos émotions. Pourtant, il y a des traumatismes qu’on n’oublie pas. J’ai rencontré récemment un ancien prématuré, qui m’a dit que sa mère en parlait encore, des dizaines d’années après. En racontant mon expérience, je voulais donc dire aux femmes qui ont vécu le même chemin que moi qu’elles ne sont pas seules. Je souhaitais aussi aider les familles touchées, en créant du lien car quand cela m’est arrivé, je n’ai trouvé aucune documentation dessus. Et puis c’était également un moyen de faire sortir les soignants de l’ombre, ceux qui gèrent la vie des prématurés et les émotions de leurs parents avec un courage incroyable. Enfin, à titre personnel, j’avais besoin de mettre un point final à cette histoire. Ecrire m’a aidée à terminer ce chapitre de ma vie et aujourd’hui, j’arrive à en parler sans pleurer.

Quand votre fille naît trois mois avant terme, c’est le tsunami, vous ne comprenez pas ce qui vous arrive et très vite la culpabilité arrive. Comment avez-vous géré ce sentiment ?

La culpabilité est inhérente au statut de mère. Comme on porte l’enfant, on se dit forcément que c’est de notre faute. Ça a été très long de passer outre, même si personne ne m’a rien dit à l’époque pour me faire culpabiliser. En revanche, sur les causes de la prématurité, on m’a simplement répondu : « c’est la faute à pas de chance ». Si on m’avait donné une raison médicale, ma culpabilité serait sans doute partie plus vite. Finalement, j’ai fini par la chasser grâce à une psychologue, au moment où j’ai voulu un deuxième enfant.

Est-ce que vous aviez été accompagnée psychologiquement à l’hôpital de Chambéry après la naissance de Garance ?

Oui, je l’étais tout le temps, mais en réalité le psy m’embêtait, il me prenait le temps que voulais passer avec ma fille, pour m’assurer qu’elle vive. Ce qui est très dur dans la prématurité, c’est que le parent s’oublie complètement pour se focaliser sur la survie de son enfant…

« On a envie de refaire l’histoire mais cela ne sert à rien, votre bébé ne retournera pas dans votre ventre »

Comment avez-vous fait pour créer du lien alors que votre fille était en couveuse pendant ses premières semaines de vie ?

C’était très compliqué car seule la projection quotidienne est autorisée, on ne peut pas regarder au-delà de 24 heures. Certains jours étaient marqués par des progrès de Garance et d’autres par des moments de grande angoisse. Par exemple, j’aurais dû faire le premier peau à peau à 7 jours de vie, mais il a été repoussé parce que les médecins avaient dû la réanimer après un arrêt respiratoire. Quand ce moment arrive enfin, je suis complètement détachée pour me protéger de la mort. C’est aussi pour cela que le premier « je t’aime » est arrivé très tard, au moment où on lui a retiré son cathéter.

Quels conseils pouvez-vous donner aux (futures) mères de prématurés ?

La première chose c’est d’accepter la situation. On a envie de refaire l’histoire mais cela ne sert à rien, votre bébé ne retournera pas dans votre ventre. Il faut se concentrer sur sa mission : créer du lien, faire des peau à peau… Mon deuxième conseil c’est de ne pas retenir ses émotions. Laissez sortir vos pleurs, exprimez votre panique pour ne pas cultiver ce traumatisme. Et enfin, il faut se dire qu’il y aura de la lumière, elle est là, il faut simplement réussir à la voir. Nous avons beaucoup de chances de vivre en France avec l’hôpital public où les soins sont gratuits, où il existe des maisons de parents et des dons de lait maternel. Cette chaîne de solidarité à la française est exceptionnelle.

Comment le couple traverse une telle épreuve ?

Là aussi ça peut être très compliqué parce que nous n’avons pas forcément la même vision sur la mort, l’infini, etc. Et puis on avait projeté quelque chose d’hyper gai et on se retrouve dans un environnement extrêmement lourd. Chacun vit cette épreuve avec ses émotions et sa culpabilité, il faut avoir ça en tête. Ce n’est en aucun cas une course à celui qui souffrira le plus. Pour éviter ça, il faut communiquer pour toujours garder un lien.

Avez-vous parlé de votre roman à votre fille ?

Oui, au moment où j’ai trouvé ma maison d’édition. Mais elle reste assez loin de tout ça, d’ailleurs elle m’a dit : « C’est ton histoire maman, c’est ce que tu as vécu toi ». En fait, elle a compris que c’est le regard d’une mère qui est posé sur cette histoire.

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2 commentaires sur « «Peau à Peau» : le témoignage bouleversant d’Héloïse sur la naissance de sa fille, née grande prématurée »

  1. Bonjour,
    L’histoire d’Héloïse me parle et me touche énormément car j’ai mis au monde « un petit oiseau tombé du nid » il y a 30 ans cette année. Ma fille grande prématurée de 3 mois aussi est une jolie jeune femme aujourd’hui.
    A cette Époque qui me paraît être hier, les réseaux sociaux n’existaient pas, les reportages et les émissions tv de diffusaient rien. Il fallait avancer dans l’inconnu. Grâce à une superbe équipe médicale à l’hôpital A. BECLERE à Clamart, ma fille a été sauvée et bien suivie. Merci encore. Cette expérience traumatisante a laissé place à une vie qui s’est déroulée dans le bonheur et la joie. Bien à vous
    Marie-Laurence

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    1. Bonjour Marie-Laurence, merci beaucoup pour votre commentaire très touchant sur votre fille ! C’est bien que la parole se libère pour accompagner tous ces parents qui traversent ces naissances prématurées. Bonne journée, Marion

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