Pourquoi je vous en parle ici : Le 8 mars prochain sortira le documentaire d’Eve Simonet sur le post-partum. Une série de 4 épisodes de 35 minutes qui mettent en scène son expérience douloureuse de ces mois après la naissance de son fils, Ferdinand, couplée aux témoignages d’autres mères et de professionnels (doulas, sage-femme, psychiatre, consultante en lactation, kraamzorg…) sur cette période cruciale mais trop peu connue du post-natal. Un documentaire attendu et nécessaire, sur lequel Eve a travaillé avec passion et acharnement pendant 18 mois. Elle a mis en avant son travail sur les réseaux sociaux, mais aussi son propre post-partum : le corps post-accouchement, le sang, l’identité perdue puis retrouvée, le tsunami dans le couple, le manque d’accompagnement, l’amour, les larmes, les cris, le don de soi… Je suis très heureuse d’avoir pu l’interviewer pour Parlons maman. Elle me raconte sans fard ces derniers mois où elle a vu sa vie basculer, de la naissance de son fils à sa renaissance entre que femme et mère.
Tu as accouché en septembre 2020 d’un petit Ferdinand, et de cette naissance est née ton documentaire sur le post-partum qui sort début mars. Comment s’était passée ta grossesse ?
Eve SIMONET – Cette grossesse n’était pas du tout prévue ! J’étais en couple depuis seulement 5 mois quand je suis tombée enceinte, j’avais 25 ans et je ne m’étais jamais intéressée à la maternité. On a mis un peu de temps avant de savoir ce qu’on voulait faire, le covid commençait tout juste, on faisait face à plein de sentiments entremêlés. Finalement, on a décidé de le garder et là je me suis dit qu’il me restait 7 mois pour me préparer à sa naissance. On a vite été confinés, je ne travaillais plus et j’en ai profité pour beaucoup lire sur le sujet, je voulais tout savoir ! A tel point qu’à 6 mois de grossesse, je savais que je voulais accoucher chez moi.
C’est vers la fin de ta grossesse que tu as entendu parler du post-partum pour la première fois…
Oui, à la fin d’un cours de préparation à l’accouchement vers 7 ou 8 mois, j’ai demandé à ma sage-femme comment me préparer pour l’après naissance. C’est là qu’elle a évoqué le post-partum, je n’en avais jamais entendu parler ! Sur ses conseils, j’ai lu deux livres sur le sujet (Le mois d’or, de Céline Chadelat et Marie Mahé-Poulin et Bien vivre le quatrième trimestre au naturel, de Julia Simon, ndlr). Mais à ce moment-là, j’étais vraiment focus sur l’accouchement qui me paraissait déjà une montagne et je n’ai pas vraiment préparé la suite. Pour moi, qui suis de nature très optimiste, le post-partum n’était pas un sujet et j’avais une grande confiance dans le fait que tout roulerait et que l’amour maternel serait au rendez-vous.
« Je pensais ressentir une vague d’amour à la naissance de mon fils comme je l’avais lu, mais ça n’a pas été le cas »
Et tu as donc accouché chez toi, comme tu le souhaitais…
L’accouchement s’est très bien passé, j’avais vraiment hâte de vivre ce moment-là, de sentir les contractions, je n’avais absolument pas peur. Quand j’ai eu ma première contraction vers 20h, Constantin (son compagnon, ndlr) était avec moi, on a appelé ma cousine dont je suis très proche et on a mis de la musique, on dansait, dans une ambiance très festive. Ma sage-femme est arrivée à 1h du matin et elle a vu que j’étais dilatée à 9. Ça semblait imminent mais finalement le travail s’est étiré dans la nuit et Ferdinand est né à 6h30 du matin. Ça a été dur sur la fin, j’ai connu la fameuse phase de désespérance avec cette impression que j’allais mourir, mais ça reste un super souvenir.
Comment as-tu vécu la rencontre avec ton bébé ?
Je pensais ressentir une vague d’amour comme je l’avais lu, mais ça n’a pas été le cas. Il était là, je le regardais, mais j’étais surtout très fière de ce que je venais d’accomplir. J’avais une sensation de puissance de dingue, qui ne m’a pas lâchée pendant longtemps. Après cette longue nuit de travail, je me suis endormie sur le canapé au moment des soins, avec Ferdinand sur moi. J’étais épuisée par les 2h de poussée. Quelques heures après, la sage-femme est partie, nous laissant un peu hébétés face à ce qui nous arrivait.



C’est ainsi que commence ton post-partum, que tu as qualifié de grosse claque…
Après l’accouchement, la sage-femme venait une fois par jour, pendant 1h/1h30. C’était trop peu, d’autant que Ferdi ne dormait pas ou alors par phase de 15/20 minutes et qu’il hurlait toute la journée. De mon côté, j’étais choquée par mon état physique, j’étais complètement cassée et je perdais des litres de sang. Pour ne rien arranger, la mise en place de l’allaitement a été extrêmement douloureuse, j’avais les seins en lambeaux. En gros, je souffrais de tout et je ne comprenais pas ce qui se passait. Pourquoi on ne m’avait pas prévenue de ce qu’était le post-partum ? Le 3e jour, j’ai eu une première phobie d’impulsion et j’ai collé Ferdinand dans les bras de son père. Je ne ressentais aucun amour et je pleurais énormément. J’étais tellement épuisée que je me suis endormie alors qu’il pleurait à côté de nous…
Avec du recul, j’aurais aimé savoir en amont qu’on peut ressentir tous ces sentiments, que c’est normal. J’aurais voulu qu’on me prévienne que j’allais avoir besoin d’aide, j’aurais pu en demander à mes parents ou prévoir une liste de docteurs à proximité. J’aurais aussi pu préparer des repas à l’avance. En fait, c’est trop peu de se préparer pendant son congé maternité, on ne peut pas tout organiser en quelques semaines. Mais ça on ne le dit pas.
« Le post-partum m’a permis de renaître »
Comment avez-vous géré ces moments difficiles et comment avez-vous sorti la tête de l’eau ?
On a découvert que Ferdinand souffrait de RGO à 4 mois et demi. A ce moment-là, je me suis dit que ça allait forcément aller mieux, mais en réalité ça a été très long. Moi j’étais dans une hypervigilance maternelle, c’était dur dans mon couple, on n’arrivait pas à reprendre le dessus. Notre fils lui ne dormait toujours pas, il semblait en stress permanent. En fait, ça a mis un an à se mettre en place, il a commencé à faire doucement ses nuits pendant que de mon côté, j’intégrais progressivement mon rôle de mère et prenais confiance en moi. Pendant mon post-partum, je ne savais plus qui j’étais, je ne reconnaissais plus mon corps, j’étais paniquée en permanence. Le contraire de mon caractère habituel !
Qu’est-ce que cette épreuve a changé en toi ?

Aujourd’hui, je m’autorise à prendre beaucoup plus de temps pour moi, je m’écoute à fond. C’est important, et plus on le fait, moins on culpabilise. J’ai aussi fait un grand tri dans ma vie. Le post-partum m’a permis de renaître, de m’affirmer dans mes choix et de savoir ce que je veux pour mon enfant.
Comment est née l’idée du documentaire ?
Quand ma sage-femme m’a parlé du post-partum pour la première fois. A part les deux livres cités plus haut, je n’ai pas trouvé beaucoup de ressources sur le sujet. J’avais l’impression d’avoir mis un pied quelque part, mais qu’on ne nous disait pas tout, c’était très étrange. J’ai tourné la première scène en septembre 2020, avant d’accoucher, puis j’ai tout dessiné dans ma tête pendant les premiers mois de mon post-partum. Je me suis vraiment lancée en mars 2021 en articulant le documentaire autour de mon expérience, mais avec en plus des témoignages de professionnels et d’autres mères et co-parents, en France et à l’étranger. Ça m’a donné un véritable cap pendant ses longs mois pour ne pas craquer.
Tu as tourné 4 épisodes de l’accouchement au post-partum et à la première année de vie. Quel est ton objectif ?
Mon souhait c’est que ce documentaire soit une véritable ressource pour les jeunes mamans, pour qu’elles puissent se préparer au mieux à l’après naissance. Je veux les aider à vivre cette période qui doit être belle. Et pour cela, il faut qu’elles soient informées et non plus isolées ! C’est pour cela que les mères interviewées apportent leurs propres réponses ou conseils, ainsi que la vingtaine d’expertes qui interviennent. J’ai donc essayé de mettre le moins d’injonctions possible. Les deux premiers épisodes racontent l’accouchement et les trois premiers mois du post-partum, ensuite on élargit de 3 mois à beaucoup plus. J’espère aussi que mon travail aidera à éduquer l’entourage, car seule on ne peut pas tout.
As-tu déjà d’autres projets pour la suite ?
Oui, nous allons lancer d’ici juin un deuxième documentaire sur l’accouchement. On va essayer de se différencier de ce qui existe déjà en tournant six épisodes dans différents pays, notamment au Congo, au Brésil, en Asie, dans les pays nordiques et aux Etats-Unis. L’idée c’est de montrer qu’au-delà de ce qu’on connaît en France, il existe d’autres manières d’accoucher et que c’est surtout une question de culture.
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