Pourquoi je vous en parle ici : Après plusieurs échecs amoureux, deux IVG et l’envie féroce d’aller au bout de son désir de maternité, Elodie Laloum, attachée de presse indépendante, a décidé il y a onze ans de faire un bébé toute seule. Elle avait alors 35 ans et a eu recours à une insémination artificielle par donneur anonyme en Belgique, à une époque où la PMA en France n’était pas encore autorisée pour toutes les femmes. Aujourd’hui, elle raconte dans sa BD Ma vie de maman solo (aux éditions Dunod et illustré par Jennifer Piers) son parcours depuis sa PMA jusqu’au dix ans de sa fille dans un livre touchant et teinté d’humour. Parce qu’il est important de parler de toutes les maternités et de montrer qu’il existe plusieurs voies, j’ai interviewé Elodie pour qu’elle me raconte son histoire, ses difficultés mais aussi son bonheur immense d’être mère.
Vous êtes maman solo d’une petite fille de 11 ans et vous venez de publier en BD Ma vie de maman solo, aux éditions Dunod. Comment a germé l’idée de ce livre ?
Elodie LALOUM – Je tenais un blog lorsque j’étais enceinte de ma fille pour m’adresser à elle et lui raconter ce que je vivais. Quand tu es seule, tu as envie de partager ce que tu vis, c’est pour cela que je le faisais sur mon blog et sur les réseaux sociaux. L’envie est venue de là au départ et puis au bout d’un moment, comme ça marchait bien, deux éditeurs m’ont contactée pour me proposer d’écrire mon histoire. Mais à l’époque, un ami m’a conseillée de demander à Ness si elle était d’accord, donc j’ai attendu qu’elle soit en âge de me le dire. Et un jour, alors que je travaillais pour les éditions Dunod, on a abordé le sujet au cours d’une discussion et de fil en aiguille, on a décidé de faire le livre sous forme de BD pour que ce soit plus parlant.
Qu’est-ce que vous avez voulu dire avec ce livre ? Quel était votre objectif ?
Ma première intention était de laisser une trace pour ma fille. La seconde, de montrer aux gens, notamment ceux de La Manif pour tous, que ce n’est pas si farfelu que ça de faire un enfant seule, ni égoïste. Enfin, la troisième raison c’est qu’il n’existait pas de littérature sur les mamans solos ou alors seulement pour parler de celles qui subissaient leur maternité après une séparation par exemple.
Pourquoi alors qu’il y en a de plus en plus qui choisissent cette voie, ce sujet est-il encore si tabou ?
Je pense que c’est tabou parce que dans la société actuelle, vouloir un enfant c’est un projet qui se fait à deux. Faire un bébé c’est le fruit de l’amour d’un couple, pas le fruit d’un désir personnel. J’ai reçu beaucoup de messages de haine avec mon livre, mais je continue parce que je contribue à faire bouger les lignes. Et je trouve qu’on en a encore bien besoin. Dans la BD, je raconte par exemple ma rencontre avec un couple de catholiques pratiquants qui, alors qu’ils avaient participé aux manifestations contre la PMA, m’ont dit qu’il trouvait notre famille belle. Ils ont vu que nous aussi nous étions polies, heureuses, et équilibrées !


Est-ce que l’ouverture de la PMA pour toutes en septembre 2021 a changé les choses selon vous, par rapport à il y a 10 ans ?
Forcément, cette loi a permis une évolution, même si les femmes seules sont toujours obligées d’aller dans d’autres pays car il n’y en a pas assez en France et qu’elles passent toujours après les couples. En revanche, je trouve que les mentalités n’ont pas beaucoup évolué. La preuve, récemment, un oncle qui ne m’avait jamais rien dit sur mon parcours et mes choix, m’a dit, alors que ma fille a maintenant 11 ans : «quelle idée de faire ça, j’espère que ce n’est pas trop dur pour elle…».
Comment définiriez-vous votre relation avec Ness aujourd’hui ?
Nous avons une relation très fusionnelle toutes les deux, c’est mon binôme. On décide de tout ensemble, les vacances, les choix d’appartement, etc. Je partage mon quotidien avec elle, et je lui parle comme à une adulte, ce qui fait qu’elle est plus mature sur des sujets de fonds. Elle a aussi dû affronter avec moi des sujets plus difficiles comme ma tumeur (maintenant soignée, NDLR) ou le surmenage, ce qui fait qu’elle est parfois inquiète. C’est vrai que pour laisser la place à quelqu’un d’autre – comme un compagnon par exemple – il faut savoir jouer des coudes chez nous ! Mais on y travaille 😉
«On n’a pas la droit d’être fatigué ou malade quand on est parent solo»
Qu’est-ce qui est le plus difficile dans la vie de maman solo ?
C’est la fatigue le plus dur, on n’a pas la droit d’être fatigué ou malade quand on est parent solo. C’est plus facile si on a des grands-parents investis pas loin ou si on est séparé du père. En fait, quand on est seul, on a une charge mentale beaucoup plus importante que la moyenne parce qu’on ne la partage pas. Un simple exemple de cette charge : j’ai découvert ma tumeur parce que j’ai eu des acouphènes pendant trois ans mais je n’avais pas pu aller voir le médecin pendant ces 3 ans, je n’avais pas pris le temps. Le post-partum a été terrible aussi, je ne dormais pas, j’étais épuisée, je devenais dingo. Puis, petit à petit, avec l’école notamment, j’ai retrouvé du temps pour moi et j’ai remonté la pente.
Et qu’est-ce que cette maternité vous a apporté ?
Elle m’a apporté quelque chose d’essentiel : un équilibre. A la base, je suis d’un caractère assez foufou, mais devenir mère a tout cadré. Tout est plus rationnel parce que je suis maman et il y a aussi une forme de reconnaissance sociale que je ressens car ce n’est pas évident de ne pas être mère à 40 ans. Et évidemment, cela m’a apporté un amour inconditionnel, peu importe ce qu’il se passe !
Vous n’avez jamais eu envie d’avoir un autre enfant ?
Si, j’en ai eu envie et j’ai demandé à Ness ce qu’elle en pensait. Au début, elle a dit oui, avant de changer d’avis. Elle m’a dit qu’elle ne voulait pas me partager. Moi à la base, je voulais une famille nombreuse et puis finalement, je me suis dit qu’on avait trouvé notre équilibre toutes les deux. Aujourd’hui, j’adorerais trouver quelqu’un qui a aussi des enfants pour créer une grande famille recomposée !
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